Pornorama - Intro

Co-écrit avec Marc Pietrosino

Ouverture sur un plateau TV. Un présentateur aux sourcils broussailleux arbore un air journalistique. Faut dire que les sourcils aident bien. Le décor est celui de « Zone Capitale », une émission qui propose deux fois par mois des reportages de choc.

Le générique rapide, rythmé par une musique jingle dévoile en quelques images le thème de l'émission de ce soir : le « X » dans tous ses états : actrices floutées, acteurs en action cadrés plan américain, soleil, mer et côte d'azur en décapotable.

Derrière ces rapides images, on arrive sur le présentateur. Derrière son bureau en verre aussi immense que vide, il fixe la caméra plein face. Et lance son sujet.

LE JOURNALISTE : Mesdames, mesdemoiselles, messieurs bonsoir. Et bienvenue dans ce nouveau numéro de Zone capitole. Le documentaire exceptionnel que vous allez découvrir ce soir aborde, à n'en pas douter, un des sujets les plus graves de notre époque. Au cœur de tous les débats actuels, la pornographie reste en effet, aujourd'hui plus que jamais, un phénomène majeur de société.

A partir de cet instant, le journaliste passe en Off et laisse la place à divers extraits du reportage. Des extraits tous plus aguicheurs les uns que les autres. Certains, d'ailleurs, ne figureront même pas dans le documentaire à venir…

LE JOURNALISTE :La pornographie est-elle nuisible ? Qui en regarde? Quel est son impact réel sur la jeunesse ? A qui profite l'argent de ce phénomène ? Dans quelles conditions sont produits ces films ? Peut-on être actrice de X et féministe ? Autant de questions cruciales auxquelles nos équipes de reportage ont tenté de répondre en plongeant dans les bas fonds du porno business. Bravant tous les interdits et prenant tous les risques, allant même jusqu'à se confondre avec son sujet pour mieux le cerner, Jean-Marc Naich et son équipe nous ont ramené un incroyable témoignage. Grâce à lui, vous allez enfin découvrir tous les secrets de ce milieu si particulier.

Retour plateau TV. Le journaliste est plus sérieux que jamais.

LE JOURNALISTE : Voici donc « Classé X » ou une semaine dans la vie palpitante et agitée de ces incroyables membres du 7 ème Hard.

Fondu au noir. Le reportage débute.
Le plan s'ouvre sur une place baignée de soleil. Nous sommes à Marseille, dans le sud, par une magnifique journée d'été. C'est le début de l'après midi, à l'heure où la lumière rend aveugle.
La caméra et l'équipe avancent vers l'ombre vert-d'eau d'une allée de platanes. Un café étale sa terrase sous cette tièdeur bienfaitrice. Il se nomme « El gringo »

Incrustation spatio-temporelle : Lundi – 15 h 00. Centre de Marseille.

VO : Notre enquête commence à la terrasse d'« El Gringo », un célèbre café Marseillais. Nous y avons rendez-vous avec Bénédicte Levasseur, une jolie jeune femme de 21 ans que rien ne semble distingué de ses voisines de terrasse. Rien, si ce n'est que dans les milieux sulfureux de la pornographie, on la connaît mieux sous le pseudonyme de Tanya Andersson.

La caméra arrive à hauteur de terrasse. On remarque une très jolie jeune femme, seule à une table. Il s'agit de Clara Morgane, la vraie actrice –il ne lui reste plus qu'à accepter…Elle regarde d'un air amusé la caméra s'approcher d'elle.

VO : Bénédicte ?

CLARA CASH : Ah non...désolé. Ce n'est pas moi.

La caméra quitte le sourire de la jeune femme et se met à balayer la terrasse. Plusieurs personnes s'y trouvent, mais personne ne correspond à l'image d'une Tanya Andersson.

VO : Bénédicte ? Bénédicte ? (Un temps) Tanya ?

Un serveur les interpelle depuis l'intérieur du bar. Il indique une place au fond de son café.
La caméra rentre dans le bar. Tanya se tient dans un angle de la salle.
La caméra avance vers elle, avec quelques difficultés, au milieu du café chargé. On repère des joueurs de cartes, un poivrot au pastis, une bande de mexicains à chapeau.
Tanya est une jeune fille mignonne, habillé en cuir et pantalons pseudo classe. Elle a les cheveux attachés et porte des lunettes noires.
Elle leur fait signe tandis que l'équipe s'approche.

TANYA : Ca va ? Vous n'avez pas eu de mal à me trouver ?

VO : Non, c'est bon. On ne pouvait pas vous manquer.

TANYA : Vous non plus. (elle regarde tout le matériel de l'équipe)

VO : Alors Tanya. C'est enfin LE grand jour ?

TANYA : Oh oui ! Je suis très contente en effet : aujourd'hui je joue mon 1 er grand rôle féminin. C'est un peu comme si ma carrière commençait vraiment.

VO : Vous n'en êtes pourtant pas à votre premier essai. D'après votre filmographie, vous avez déjà plus de 8 mois de métier derrière vous.

TANYA : C'était juste des petits films alimentaires.

VO : Quand même! 342 films ! Vous avez du bien manger ces derniers mois.

TANYA : Vous savez, c'était surtout des productions russo-bulgaro-portugo-tanzanienne. Ils en ont besoin pour les quotas de films européens. Mais bon, il faut bien commencer par quelque chose.

VO : Et aujourd'hui, qu'est-ce qui va être différent ?

TANYA : Tout ! Ca n'aura rien à voir. Je vais enfin bien être entourée. Déjà, on a avoir un vrai grand réalisateur. Jean Luc Godhard. Vous devez connaître ?

VO : Euh…ben…

TANYA : On voit bien que vous n'êtes pas très cinéphile : c'est l'un de piliers de la tendance plage et soleil dans le porno.

VO : La nouvelle vague X?

TANYA : Oui ! On les appelle comme ça aussi. Enfin, bref, ca va être grandiose ! De vrais décors, un vrai producteur, Jean-Joris Lauve pour ne pas le citer, de vraies costumes…

VO : (Il la coupe) De vrais costumes ?

TANYA : Enfin, pas tout le temps. Tout ce que je peux dire, c'est que pour les scènes en costume de nue, moi, je suis 100 % naturelle.

VO : Et le scénario, c'est un vrai aussi ?

TANYA : Mais oui ! Je n'en avais lu un d'aussi long. Y'avait presque 15 pages tapées à la machine. Ca m'a changée. Avant, on était obligé d'improviser. Je vais découvrir ce qu'est la direction d'acteur.

VO : Et vous pouvez nous en dire plus sur cet épais scénario ?

TANYA : Tout à fait. Ca s'appelle « De Proufound'x », mais ce n'est que le titre de travail. Ca se passe dans une base sous-marine, ça fait très américain. Il y a un monstre qui s'introduit dans la base et qui contamine tout l'équipage avec son virus. Et comme c'est un virus neuro-sexuel, du coup, tout le monde n'a plus qu'une idée en tête : s'envoyer en l'air sous l'eau.

VO : Ca a l'air original.

TANYA : Oui hein ! Et puis, pour une fois, les scènes de sexe sont vraiment justifiées par le scénario. Ce n'est pas souvent le cas.

VO : Et qui seront vos partenaires ?

TANYA : Ca va être génial. Je vais tourner avec le fameux Nick Coït, une référence dans le métier et son acolyte Joey Seminal. Ils sont toujours fourrés ensemble ces deux là. Ils jouent les rôles des agents de sécurité de la Station. Et puis, il y a aussi un de mes acteurs préférés, Dick Jones.

VO: C'est l'acteur principal ?

TANYA : Non, il n'a qu'un petit rôle. C'est dommage car je l'ai vu faire une perfomance formidable dans « Arrête de limer, t'attaques les ovaires»

VO : Tout un programme... Et au niveau féminin, vous n'êtes quand même pas la seule femme.

TANYA : Non pour une fois, les 2 nd rôles féminins sont très riches. C'est important pour moi qu'on ne cantonne pas la femme à des rôles de potiches. Là par exemple, je suis une vraie docteresse et ma copine Anaïs Anaïs elle joue l'avocate militaire de la Base. Sans oublier le rôle de chef des pom pom girls tenue par Vanus Afrodite.

VO : Euh... Vé nus Afrodite ?

TANYA : Oui, si vous voulez. Mais il va falloir y aller. On risque d'être en retard.

Tanya se lève. L'équipe la suit vers la sortie du café. Dehors, les mexicains ont entamé le premier couplet « Del Condor Passa », en flute de pan mineur et synthétiseur.

 

Le 1er jour de tournage, c'est x