Pornorama - Premier jour de tournage

Co-écrit avec Marc Pietrosiono
L'intro c'est x

Incrustation spatio-temporel : Lundi – 16 h03. Studio Sun Lauve. Il s'agit du rez de chaussée d'un vieil entrepôt désaffecté. Seul une vague pancarte réhausse l'anonymat de l'ensemble.

VO COMMENTAIRE : Dans le milieu du X, les studios Sun Lauve sont aussi réputés que les plus grandes firmes Hollywoodiennes. Pour la première fois, et uniquement pour les caméras de Zone Capitale, ils vont nous dévoiler leurs secrets les plus intimes.

L'équipe rentre dans les studios. Tanya arrive sur le plateau, salue toute l‘équipe. Enfin, toute, c'est un bien grand mot, puisqu'elle se résume à une petite dizaine de personne. On entrevoit les 1 er éléments de décors, aussi kitschs que rares : un matelas, un aquarium, un filet de pêche etc…

Tanya se tourne vers la caméra.

TANYA : J'ai rendez-vous avec la maquilleuse, je vais devoir vous laisser. Vous n'avez qu'à me retrouver dans ma loge, dans une dizaine de minutes.

JL GODHARD : (hors champs) Et t'as plutôt intérêt à te bouger. Mon génie créatif n'a pas que ton cul à attendre.

On voit passer Nick Coït en peignoir. Il se poile.

JLG : C'est bon pour toi aussi Coït. On tourne dans 10 minutes. Concentre toi sur ton rôle. On commence fort. Et va pas te mettre à penser surtout.

VO : Qui est-ce ?

TANYA : C'est monsieur Godhard, le réalisateur-dialoguiste-scénariste. Je peux vous dire qu'on ne rigole pas avec lui.

Jean Luc Godhard apparaît dans le champ

JL GODHARD  Evidemment qu'on ne rit pas. L'art est une chose sérieuse nom de dieu. Vous avez déjà réussi à bander pendant un fou rire ? Dégagez maintenant, avec vos ridicules caméras cyclopéennes. Vous croyez montrer et vous ne faites qu'obscurcir. Allez ouste !

Il envoie Tanya vers le coin maquillage. 

PROF : Ne vous en faîtes pas. Il est toujours comme ça avant les premières scènes. C'est surtout lui qui a la pression.

JL GODHARD hors champ : Vénus afrodite ! Remonte-moi ton bustier nom d'un Christ, on dirait Flavie Flamant !

L'équipe de tournage du reportage se retourne vers l'équipe de tournage de Deproufound'X. On découvre 3 personnages singuliers : le cadreur est le plus agé et il a des airs de Prof. C'est lui qui vient de parler. Le caméraman est plus jeune et gêné. Il fait un peu Timide. Le dernier est à peine majeur et se tient debout, les bras en l'air, accroché à sa perche son. Il fait un peu simplet.

VO : Effectivement ! Vous êtes l'équipe de tournage ? Vous pourriez vous présenter ?

Timide, ma à l'aise se cache comme il peut derrière ses bras. On a largement le temps de voir son visage.

TIMIDE : Houla ! Ca sera flouté votre truc ?

PROF : Bien sûr. Il suffit que tu leur demandes. C'est ça aussi la liberté de l'image.

TIMIDE : Je préférerai qu'on ne me voit pas à visage découvert alors.

VO : Bien entendu.

A ce moment seulement, un petit halo de brume pixelisé vient flouter le visage de Timide. Sa voix également, assez aiguée passe alors dans des graves puissants.

PROF : C'est marrant ça ! Ce gars, il filme du porno mais il a toujours été timide.

TIMIDE : Faut dire, d'habitude, je suis de votre côté de la caméra.

PROF : C'est vrai. Il s'occupe des gros plans. Au début c'était dur d'ailleurs. Il tremblait tout le temps dès qu'il voyait du poil. Mais je dois bien reconnaître qu'il progresse.

TIMIDE : On voit moins de poils en même temps.

PROF : C'est comme le petit là. Une vraie lumière.

Prof s'adresse à Simplet, toujours debout, les bras dressés et la perche son en équilibre. Depuis le début, il ne suit pas la scène et jette des coups d'oeil en tout sens.

PROF : Hé ! Fiston ! On passe à la télé !

SIMPLET : Ah ouais, ouais. S'lut.

Il se remet à regarder autour de lui.

VO : Euh...donc, vous êtes le preneur de son ?

SIMPLET : Ouais ouais.

Même jeu. Prof souffle un peu, genre blasé.

PROF : C'est pas grave. Il est un peu toti. Vous allez voir. A Simplet, plus fort. Et ça te plait ton nouveau métier ?

SIMPLET : Ah ouais ouais ouais ! Pour sûr, c'est le top comme job. Ca fais que 4 jours que j'ai commencé. C'est pour mon stage. Mais c'est clair, j'ai trouvé ma vocation.

VO : Vous avez eu une révélation pour les métiers de l'image ?

SIMPLET : Putain ouais ! Les meufs ici, elles te font de ces images ! Et en plus, elles sont trop trop band...

VO : (Il le coupe) Gentille ! A la télé on dit qu'elles sont trop gentilles !

SIMPLET : A la télé aussi vous en avez qui vous font des trucs aussi gentils que ça ? Putain ! J'adore l'audiovisuel !

VOIX HORS CHAMP : Jean-Philippe ? Jean Philippe viens voir un peu par ici.

SIMPLET : Scusez moi ! On m'appelle. C'est monsieur Lauve.

Simplet se retourne et part avec sa perche.

PROF : Voilà, c'est souvent comme ça au début. On est un peu surpris par les gens.

La caméra hasarde un regard vers Jean Philippe. On le voit en pleine discussion avec un homme imposant aux cheveux grisonnants. C'est Jean-Joris Lauve.

JJL : voix aténuée. T'es aussi con qu'une moucla frite toi ou quoi ? Qu'est-ce que tu me fais devant la télé ?

SIMPLET : Meuh…

JJL : Tu crois que ça les intéresse tes histoires de cul ? Ils sont là pour nous faire un vrai beau documentaire de fond et toi tu leur balances du cul !

SIMPLET : Mais je croyais que...

Jean-Joris Lauve envoie une grosse baffe en travers de la gueule de Simplet. Ce dernier garde toujours les bras en l'air.

SIMPLET : Ouch !

Simplet, apeuré, lache une main de sa perche pour la mettre sur sa joue. Ce faisant, il fait pencher le micro et le heurte avec force contre un mur. Colère immédiate de Jean Joris et seconde mandale de l'autre côté.

JJL : Et le matériel putain ! Tu sais combien ça coûte un micro comme ça.

Simplet remet ses deux mains en l'air, au micro. Il a les yeux et les joues toutes rouges.

SIMPLET : Scusez moi, monsieur Lauve.

Jean Joris fait mine de lui en coller une autre. Mais il s'arrête et lui pince la joue, genre paternaliste affectueux.

JJL : Recommence pas à faire chier monsieur Jean-joris. D'accord ?

SIMPLET : Ouais ouais.

La caméra revient vite fait sur Prof, tandis que Jean-Joris fait mine de regarder dans sa direction.

PROF : Dans l'ensemble, le milieu est très ouvert et chaleureux.

VO : Vous faîtes quoi au fait ?

PROF : Je suis cadreur-directeur de la photo-cuisinier. Et j'aide un peu au casting aussi. Comme tout le monde.

VO : Vous êtes beaucoup à travailler au studio ?

PROF : Ca dépend par rapport à quoi. Pour un vrai film ciné c'est ridicule, pour un film X, on frole les moyens péplum.

Jean-Joris apparaît alors plein champs. Il semble surprendre tout le monde.

JJL : Vous faîtes connaissance avec Robert, le syndicaliste du milieu ? Qu'est ce qui vous raconte alors ?

VO : Il disait qu'avec vous, il avait l'impression de tourner des péplums.

PROF : C'est ça.

JJL : Sacré Robert ! Toujours à exagèrer toi ! Tu peux pas t'en empêcher la con de ta race ! Enfin, tant que tu ne me la joues pas révolte des esclaves sur le tournage…

PROF : Je vais aller préparer la caméra.

JJL : Bonne idée la con de ta race ! Vous avez vu toute l'équipe ?

VO : Euh non…Il nous manque le maquillage…

JJL : Et vous attendez quoi putain ! Elle doit être présentable maintenant la star.

Cut. On retrouve Tanya en pleine séance maquillage. Elle est vêtue d'un peignoir et passe entre les mains d'une maquilleuse. On ne s'intéresse qu'au visage. Le décor de la loge est réduit au strict minimum, on aperçoit juste un miroir entouré de quelques ampoules. La maquilleuse est une belle femme de quarante ans sur le déclin, trop maquillée, et avec une coupe de cheveux assez proche de celle qu'elle pouvait arborer dans les années 1980.

LA MAQUILLEUSE : Tu vas voir ma petite dans quelques instants tu seras plus belle que jamais.

TANYA : Tu me dis toujours la même chose

LA MAQUILLEUSE : Mais j'ai un travail important, quand tu fermes les yeux de plaisirs, si tu es mal maquillée tout le monde le verra.

VO : C'est vraiment important le maquillage dans un tournage X ?

LA MAQUILLEUSE : Comme dans tous les films. Mais c'est vrai que j'exagère un peu : Ce n'est pas ses yeux que les gens regardent le plus.

Eclat de rire général.

La maquilleuse disparaît hors champ, au niveau des jambes deTanya. On ne voit bien entendu pas tout cela. On reste centré sur le visage de Tanya.

VO : Alors Tania pas trop nerveuse ?

TANYA : Non, non ça va ! Il faut juste que je trouve la bonne formule pour Joey Séminal. Quand je lui dis que c'est bon il s'emporte et là c'est plus bon. En fait, il faut lui faire croire que ce n'est pas terrible pour qu'il soit bon.

LA MAQUILLEUSE : Et bien fait comme ça !

TANYA : Oui mais si je lui fais trop croire que ce n'est pas terrible, il va avoir des problèmes d'ordres techniques, et là, la scène va durer des heures. Donc il faut que je trouve le bon dosage, c'est un vrai casse tête.

LA MAQUILLEUSE : Ou un vrai casse autre chose !

Nouvel éclat de rire général.

La maquilleuse est remontée. On aperçoit les deux femmes dans le reflet d'un miroir.

LA MAQUILLEUSE : Tu vois, je ne t'avais pas menti. Tu es la plus belle.

TANYA : Tu dis la même chose à tout le monde.

LA MAQUILLEUSE : Oui mais pour toi je le pense vraiment

La maquilleuse rigole toute seule.

Nouveau cut. On retrouve l'équipe de tournage face aux derniers préparatifs. Ca s'agite en tout sens. On entr'aperçoit les décors en cartons et récupération. La base sous marine est composée d'un vieil escalier en fer désaffecté de l'entrepôt, de filets de pêche du vieux port et de matelas rebondis. Prof et Timide réglent quelques plans sur un aquarium minuscule.

VO COMMENTAIRE : Quelques dizaines de minutes plus tard, l'équipe est enfin prête à tourner. Une activité folle semble envahir les studios SunLauve. Nous assistons discrétement à la première direction d'acteur de Tanya.

Tanya discute avec Jean Luc Godhard qui, visiblement, a autre chose à faire.

JL GODHARD : Bon Tina.

TANYA : Euh Tanya.

JL GODHARD : Oui Tanya. Tanya ! Vous êtes toutes les mêmes mais cependant vous êtes uniques à la fois.

TANYA : Euh je ….

JL GODHARD : Assez parlé. Voilà ce que j'attends de toi. Ce film représente l'une de mes œuvres les plus abouties, et cela repose en grande partie sur toi. Cette histoire de virus sous-marin du plaisir est en fait une parabole sur la société actuelle qui emprisonne le désir humain et que seul un élément perturbateur peut libérer. Et toi ma chérie, mon adorée, ma Tatiana…

TANYA : Tanya.

JL GODHARD : Oui peu importe, tu dois représenter la quintessence de ce désir humain. Tu symbolises la valeur intrinsèque de la passion humaine enfermée puis libérée par ta sublime beauté animale ressuscitant tes instincts primaires dans une mélodie de borborygmes jouissifs.

Tanya regarde le réalisateur un peu hébété.

TANYA : Quintessence c'est par devant ou par derrière ?

JL GODHARD : Mais ce n'est ni l'un ni l'autre ! C'est les deux à la fois ! Je veux de l'authentique plaisir masturbatoire. Allez va ma chérie et surtout surpasse toi.

Tanya rencontre Joey Séminal en tenue de vigile.

TANYA : Je ne sais pas ce qu'il veut faire. Tu sais ce que c'est toi l'authentique plaisir qui fait que les gens se branlent ? Parce que si c'est douloureux, moi je ne le fais pas. Je ne veux pas de plan SM ou scato.

L'acteur ose les épaules, dubitatif.

JOEY : Je ne sais pas. Si tu ne le sens pas, tu ne le sens pas. Mais bon, si tu le sens, tu le sens. Et tu le fais.

TANYA : Ben oui. Exactement.

JL GODHARD : On se dépêche les pions ! Il est l'heure d'avancer sur le grand échiquier de ma création. On est bien, on est chaud et on oublie ces pauvres gens de la télé qui sont venus plagier notre art.

L'équipe se met en place autour du décor. Tanya est au centre, en tenue d'infirmière sexy. A ses côtés, on découvre Anaîs anaïs en tenue d'avocate (elle a un dossier sous le bras et un tailleur) ainsi que Vénus Afrodite, une grande noire en costume de Pom pom girl.

JL GODHARD : En place, en place. Tonya, tu es là, en train d'examiner tes deux amies afin de voir si tous se passent bien dans la base sous marine. Vous êtes détendues, vous êtes fières, vous êtes belles.

TANYA : Et on incarne des femmes intelligentes et modernes.

ANAÏS ANAÏS : Et dans l'air du temps aussi.

JL GODHARD : Oui oui, si ça vous amuse. Donc vous êtes là, entre vous, quand soudain, vous sentez une étrange envie qui vous remonte depuis les entrailles. C'est le virus qui s'approche. Il est près au fait le virus ?

PROF : Oui oui monsieur Godhard.

Le plan se décale et on découvre Nick Coït dans un costume aussi orange que ridicule de mosntres plastique sous marin. Il n'a pas encore enfilé le masque. Il fait signe du pouce.

JL GODHARD : Parfait, alors on y va ! Action.

Alors que les actrices commencent à se rapprocher et vont s'embrasser, l'image coupe et céde la place à un extrait de documentaire animalier. On y voit un trio de chattes en train de se lècher. Un bandeau déroulant indique en bas de l'écran :

BANDEAU : Pour des raisons de morale évidente et d'heure de diffusion, l'équipe de Zone Capitale a pris sur elle de couper toute scène susceptible de heurter la sensibilité des plus jeunes. Retrouvez néanmoins l'intégrale du reportage en DVD et K7 en appelant le 08 69 96 69 96 ou sur www. TM6.

L'interview de Jean Luc Godhard, c'est xx