Post Mortem
Une tentative theatrale de John C. Fink

 

Scène 7

 

Le notaire, que l'on avait perdu de vue depuis son arrivée, s'avance au milieu de la scène. Il quitte alors son costume stricte et laisse apparaître une superbe chemise satinée entr'ouverte sur un torse à la pilosité diabolique. Ça tombe bien d'ailleurs, puisqu'il s'agit en effet du big boss en personne. Satan, déguisé jusqu'ici, fait donc son apparition : en dehors de la chemise, son « strip-tease » révèle une énorme gourmette, quelques chaînes monstrueuses, des santiags pures vaches et quelques autres accessoires à l'envie d'une éventuelle metteuse en scène du Sud-est.

Asmodée : Ô fatche ! Le grand patron !

Rémy : Vous…vous n'êtes pas un vrai notaire ?

César : (Avé l'assent) Disons que ça m'arrive. Mais ce n'est pas ma vocation première.

Majordome Dom : Et comment doit-on appeler monsieur ? Satan ? Diable ? Lediable ?

César : Appelez moi César. C'est plus naturel. De toute façon, vous n'allez plus avoir à m'appeler longtemps... (grand sourire)

Dorianne : Depuis combien de temps êtes-vous dans la peau de mon notaire ?

César : Ça fait un bail ! Enfin, si je puis me permettre... Bail…notaire…vous saisissez ? (re grand sourire) Faut avouer qu'on se connaît depuis un sacré bout de temps avec votre maman. N'est-ce pas madame Lara ?

Tante Lara : (toute ragaillardie) Mon cher César, si vous saviez comme je suis contente de vous voir. Depuis le temps que j'essaie d'expliquer à votre personnel que je n'ai rien à faire ici. Je ne vous attendais plus.

Asmo : Vous..vous connaissez pour de bon ?

César : On a fait des petites affaires dans le temps, quand on était plus jeune. Deux trois bricoles en passant. Et c'est vrai que Madame Wilson-Fony n'a absolument rien à faire ici.

Rémy : C'est bien une erreur alors ? Comme pour moi ! Ça veut dire que je vais pouvoir remonter…

Tante Lara : J'en doute mon petit. Moi j'ai vendu mon âme au…à monsieur César, il y a quelques années.

César : (Aux enfants) Ne vous en faîtes pas, j'ai fait ça bien. Pas d'entourloupes. Le contrat habituel : l'immortalité en échange de l'âme de la personne et de sa lignée.

Fargo+ Rémy+ Dorianne+Solead : De sa lignée ?

Tante Lara : Ben oui, ça coûte chère l'immortalité…

Rémy : Mégafuck ! Voilà pourquoi je suis là, avec le petit.

Solead : Ça veut dire que je suis immortel ?

Rémy : Pas tout à fait…

Dorianne : Mais quelle ordure ! Depuis le début, tu nous as tous promis à l'enfer!

Tante Lara : Ça va hein Dorianne ! Vous y seriez arrivés de toute façon. Il y en a même certains qui n'ont pas eu besoin de moi. (elle montre Majordome Dom et Larry du doigt).

Dorianne : Espèce de chienne ! Je vais te tuer.

Tante Lara : Tu peux pas ! Tu peux pas !

Séquence action. Dorianne se jette sur sa mère, vite séparée par Asmodée et César. Les autres personnages se sont tous plus ou moins assis, las.

César : Bon bon bon ! J'imagine que les choses sont plus clairs pour tout le monde. Comme quoi, il faut toujours dire aux gens ce qu'on pense. Ça soulage énormément. Vous ne vous sentez pas mieux maintenant. Plus léger ?

Dorianne : Ça doit venir de notre absence d'âme…

César : Possible. En tout cas, maintenant qu'on a fait le tour de votre petite histoire de famille, il va falloir penser à se dire au revoir.

Rémy : Au revoir…?

César : Et oui, les meilleures choses ont une fin.

Dorianne : Allons-y, qu'on en termine.

César : Bien, puisque vous insistez. (il sort son Palm à lui) Donc, Dorianne Wilson-Fony. Vous avez manipulé votre mari afin qu'il tue vos deux frères, puis vous avez organisé son meurtre par votre amant. Ça nous fait de la manipulation, quatre préméditations de meurtres et un peu d'adultère. (un temps) Avec un CV comme ça, je pourrai vous proposer un sacré poste chez nous.

Dorianne : Ah oui ?

César : Mais non ! Je ne me sentirais pas à l'aise avec quelqu'un de si compétent sous mes ordres. Pour peu que vous ayez des envie d'auto-promotions… En tout cas, c'était un bel effort. Vous nous faîtes presque un grand chelem : pas loin des 7 pêchés capitaux. (Il tilte) Tiens, ça me donne une idée. Au départ, je voulais vous faire revivre votre enfance éternellement, mais c'est classique en fin de compte.

Dorianne : Certes.

César : Asmodée, envoyez là dans le salon cathodique. Elle va devenir la spectatrice permanente des émission de la Une.

Do rianne : Quoi ? Vous ne pouvez pas me faire ça?

César : C'est vrai, elle a raison. Zappez sur la Six de temps en temps.

Asmo entraîne Dorianne avec lui vers la porte de service, de l'autre côté. Elle se débat en vain.

César : Bien ! À qui le tour ? Il y a des volontaires ?

Personne ne bronche.

César : Comme d'habitude. Ça manque de participation à chaque fois. On va procéder par ordre inverse d'arrivée. (Il palm) Alors… Larry !

Larry : Présent.

César : J'espère bien oui ! Vous avez obéi aveuglément à votre femme et vous avez tué vos deux beau-frères. C'est passionnant dîtes moi ! Enfin, c'est surtout passionnel (Un temps) Saisissez ? Passionnant, passionnel…

Larry : Oui, c'est très drôle.

César : Ne fayotez-pas Larry. Ça ne sert à rien. Pas contre ça me donne une idée. (Large sourire de César) On a un petit jeu terrible là derrière. Ça s'appelle « le Juste Choix ». On vous propose plein de QCM, et si vous vous trompez, on vous torture. Ça vous va ?

Larry : J'ai vu pire à la télé.

César : Et bien let's go !

Entre temps, Asmodée est revenu sur scène par la porte de service. Il emmène Larry.

César : Est-ce que je lui ai bien dit que s'il répondait juste, c'est une autre personne qu'on torturait à sa place ? Bah ! il s'en rendra vite compte. Bon, qui est le suivant ?

Rémy et Solead lève timidement les doigts

César : Ah oui, les bavures. Ça m'embête toujours ce genre de problème. Je ne sais jamais quoi en faire de ses âmes vendues. C'est comme avoir du stock en trop (un temps) âme-vendue, stock en trop…vous comprenez ? (il éclate de rire)

Rémy : Oui. Mais ce n'est pas drôle.

César : Hey ! Tu me plais toi ! Tu dis ce que tu penses. C'est bien ça coco. Mais ça ne m'aide pas. Vous voyez, en gros, soit je vous brûle dans un des ruisseaux d'âmes alentours, soit je vous reconvertis. J'hésite un peu là… (un temps)

Rémy : La reconversion…

César : Allez va. Vous vous y connaissez en musique ?

Rémy+Solead : Pour sûr !

César : Le death métal, le punk hardcore ça vous tentent ?

Solead : À bloc !

Rémy : Mouais… On pourrait pas plutôt faire du disco métal ? Ou de la Danse punk ?

César : (il ouvre de grands yeux) Mais ? Mais c'est diabolique comme idée ! Je marche à fond. Je vous renvoie sur terre avec une clause d'apocalypse et vous me foutez en l'air le monde occidental.

Solead : YO !

César : (à Asmodée) Tu les amènes direct dans mon bureau, on a des trucs à signer.

Fargo : Il s'en tire bien.

Asmodée et les deux autres s'arrêtent avant de sortir.

César : De quoi ? Qu'est ce que tu veux toi ? ah oui, t'es le fiston universelle, l'homme d'affaire. Toi aussi tu veux te reconvertir ?

Fargo : Si c'est possible…

César : Sans problème. À partir de maintenant, tu deviens leur producteur-manager officiel.

Fargo : Hein ! Non ! Pas ça !

César : tut tût tût ! À toi de les faire réussir. Ou je te fais dépecer aux coupe-ongles jusqu'à la fin des temps.

Asmodée se saisit de Fargo.

Fargo : Le coupe-ongles, je veux le coupe-ongles !

Ils rejoignent Rémy et Solead. Ils sortent.

César : Au suivant ! (large sourire)

Majordome Dom : J'imagine que c'est mon tour…

César : Alors, toi Dom dom, qu'est ce que tu nous as fait ? (Il pianote) Ah oui, c'est ça, tu aimes bien jouer avec l'électricité ?

Majordome Dom : C'est l'une de mes multiples vocations.

César : Et bien tu vas nous développer tout ça. Ingénieur électricien dans les centrales nucléaires Ukrainienne, ça te dit ?

Majordome Dom : A vrai dire, pas trop

César : Ben tant pis. Tu n'as pas le choix.

Asmodée revient en courant pour l'emporter à son tour.

César : Et ne nous en fait pas trop sauter non plus.

La porte de service se referme sur le Majordome Dom. Le calme revient.

Tante Lara : Rien de tel qu'un peu de ménage.

César : C'est beaucoup plus calme tout à coup.

Tante Lara : J'adore, mon cher César, j'adore.

César : Et si je m'occupais de vous maintenant.

Tante Lara : Je n'osais pas vous le demander.

César : Je vous renvoie chez vous ?

Tante Lara : C'est quand vous voulez.

César : Dans votre splendide manoir ?

Tante Lara : Faites vite !

César : En compagnie de votre cher Maréchal ?

Tante Lara : Oh oui !

César : Dans votre bon vieux petit corps ?

Tante Lara : Dépêchez !

César : Pour toujours ?

Tante Lara : Pour toujours.

César : Et c'est parti pour l'éternité en urne funéraire.

Tante Lara : De quoi ?

Éclairage au noir. Bruit d'éclairs. et grand rire sarcastique…

Et fin.