L'exploration de la Côte d'Azur

Journal d'expédition du Professeur Deverney, spécialiste en ethno tourisme.

Lundi 22 mai

 

Voilà près de deux heures que les membres de l'équipe d'exploration sont réunis sur le balcon de mon appartement. J'aurais préféré que la finalisation de l'expédition se déroulent dans d'autres circonstances ou d'autres lieux, ne serait-ce que dans le salon par exemple, mais la soirée téquila organisée par Bruno, mon petit frère, nous en empêche. Outre le fait que nous ne puissions y communiquer dans des conditions convenables, nous risquons aussi d'y être à la cible de cocktails à base d'alcool de cactus, lancées à la volée par de sinistres convives à chapeaux mexicains et autres latinas aux lèvres velues.

Face à de tels risques, j'ai donc ordonné un repli stratégique sur le balcon. Certes, il y fait frais, comme l'a fait remarquer le professeur Tchecaz, mais l'exiguïté des lieux et la proximité qui en découle nous tiennent lieu de chauffage. Sans parler de l'ardeur incroyable qui nous envahit à l'évocation de notre départ. Dès demain en effet nous quitterons Lyon pour sept jours d'exploration ethno-touristique de la Côte d'azur.

Il est à noter que l'université de Lyon IV qui nous financent, (que son nom soit sanctifié) s'est d'abord montrée réticente face à l'hardiesse d'un tel voyage. Il semble en effet qu'en ces temps d'élection universitaire, notre vénérable doyen Schott préfère investir dans les banderoles et les étudiants-sandwichs plutôt que dans les missions d'exploration scientifique. Persuadés toutefois de l'intérêt d'une telle entreprise pour la recherche ethno-touristique lyonnaise, nous avons réussi à faire pression sur lui. Nos cartes de réductions SNCF chercheurs de moins de 28 ans et notre promesse de dormir au camping ne sont sans doute pas étrangères à son acceptation. C'est donc avec une bourse de près de 208 euros que nous nous apprêtons à partir à la découverte d'une des régions les plus fascinantes et les plus mystérieuses du Sud Est de la France

Pour ce faire, je serai accompagné de trois des plus éminents spécialistes de l'ethno-tourisme lyonnais. J'aurai bien aimé en trouvé un quatrième, mais notre discipline n'en étant encore qu'à ses débuts, l'essentiel de ses penseurs se trouvent réunis sur mon balcon (en omettant bien sûr le professeur Bouvier, pseudo scientifique de l'université de Lyon V où il enseigne la psychologie vacancière).

Durant ces sept jours d'exploration, je pourrais donc compter sur une équipe soudée et vaillante. Le Professeur Tomas Tchecaz, détaché de l'Université de Cracovie, profitera de notre mission pour terminer sa thèse sur La baraque à frites en milieu méditerranéen . La chargée de cours Linda Luvlingberg, spécialiste du Monokini à travers les âges et de son utilisation en parade amoureuse, s'occupera de la partie prise de vue et repérage. Tchong, enfin, (à moins que ce ne soit Tchang) notre unique mais émérite étudiant en maîtrise ethno touristique, se chargera de la partie intendance et port des bagages.

Certaines langues perfides prétendent que ce pauvre chinois en échange universitaire s'est inscrit au hasard le jour de son arrivée dans notre belle université. Mais il suffit de voir comment il suit les cours de Mademoiselle Luvlingberg et quels yeux immenses il ouvre à chacun de nos séminaires pour se rendre compte qu'il voue à la discipline ethnotouristique une passion pénétrante.

Gageons donc qu'à la tête d'un tel trio, je ne manquerai pas de ressources : si les connaissances en baraques à frites du Professeur Tchecaz ne suffisent pas, je suis certains que sa longue barbe hirsute et son air patibulaire d'étrangleur des Carpates nous permettront d'obtenir à coups sûr des suppléments de frites et pourquoi pas, soyons fou, du ketchup et de la mayonnaise gratuite.

Tchong, (à moins que ce ne soit Tchung ?), nous prodiguera à coups sûrs forces sourires et baumes au cœurs.

Quant à Mademoiselle Luvlingberg, ses capacités d'approches et d'empathies avec l'autochtone ne sont plus à prouver : Nous faussant compagnie au moment où nous allions entamer notre deuxième bouteille de scwheppes pamplemousse, elle a regagné le salon et y est déjà devenu le centre de toutes les attentions. La meute de rugbyman néanderthalien qui s'y trouve n'a plus d'yeux que pour elle et accompagne sa parade amoureuse de hourra muchacha primitifs. Le professeur Tchecaz me suggère que le fait qu'elle danse en faisant tournoyer son tshirt au dessus de sa tête n'est sans doute pas étranger à son succès.

Et à mon avis il a entièrement raison.

Quelle mission pleine de rebondissement cela nous promet !